17 janvier 1814
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17 janvier 1814
Le 17 janvier Langres est pris par les alliés : d'apres les souvenirs d'un Langrois en 1814 :
Le 17 un peu avant le jour le commandant Simon m'écrivit de me rendre chez lui et là il me donna l'ordre de faire battre la générale, afin dit il qu'il put connaître au juste les forces sur lesquelles il pouvait compter; du reste il convenait qu'il était impossible de résister longtemps à une forte colonne, mais il prétendait pouvoir obtenir une capitulation honorable et faisant montre de tous ses moyens. Je le quittai et fut de suite chercher le tambour-major, qui me parut un peu effrayé de l'ordre que je lui transmis. Dans ce moment les derniers soldats de la garde impériale buvaient encore le verre d'eau de vie dans les boutiques d'épiciers, et déjà on pouvait s'apercevoir de l'inquiétude que causait leur départ.
Prévoyant bien que je n'aurais guère de loisir pendant cette journée je me hâtai d'aller déjeuner par précaution, puis je retournai chez le commandant qui venait de m'écrire que j'avais été nommé membre du conseil de défense de la place. (ce conseil ne s'est point assemblé) comme je m'approchais de chez lui, je rencontrai le tambour-major l'air confus qui venait de l'avertir que le peuple effrayé d'une démonstration qui semblait devoir attirer de grands malheurs sur la ville avait entouré les tambours et menacé de crever leurs caisses s'ils continuaient à en faire usage.
Je trouvai M Simon dans un état d'exaspération difficile à décrire; il venait d'apprendre que les artilleurs de la campagne, réunis à Langres pour confectionner des cartouches, étaient retournés chez eux. Il s'écriait que tout l'abandonnait à la fois; il se plaignait surtout avec véhémence du départ du sieur Faure, sans réfléchir que celui ci s'était compromis de manière à pouvoir difficilement rester; lorsqu'il fut en état de m'écouter je lui dis : « vous avez entendu ce que j'ai dit hier au maréchal; j'étais loin cependant de prévoir un découragement aussi général, mais il est des circonstances critiques ou l'on ne peut répondre que de soi; je ne vous serai que d'un faible secours, mais du moins je ne vous quitterai pas ». Il se décida aussitôt à faire porter un courrier pour faire connaître sa position au maréchal Mortier; il espérait sans doute en obtenir la permission d'évacuer la ville, mais vers les 10 heures il reçut l'ordre de tenir jusqu'à la dernière extrémité. Je lui entendis dire: « je vois bien que je suis sacrifié ». Il l'était dès la veille.
Peu après nous aillâmes ensemble visiter tous les postes. Il avait placé la plus grande partie des hommes à la porte des Moulins et au cours Rivot. C'était un triste spectacle que celui de la vue du faubourg de Bel-air et de la route de Dijon auparavant si fréquentée, on n'apercevait pas une âme; et à coté de cela, l'attitude calme mais sérieuse du petit nombre de grenadiers qui ne suffisait pas pour garnir le parapet de la promenade.
Vers une heure, M Faure qui était parti avec les troupes, revint porteur d'une lettre du maréchal au maire; il lui enjoignait d'appeler aux armes tous les citoyens par une proclamation, en annonçant qu'il serait de retour à Langres dans deux jours. Le sieur Faure voulait se rendre garant de cette promesse, mais il ne persuadait personne. On voyait trop bien l'intérêt qu'avait l'armée à ce que l'ennemi s'arrêtât devant langres, afin de gagner une ou deux marches, et, nul ne voulait obtenir ce résultat en faisant prendre la ville d'assaut; aussi la proclamation du maire ne produisit elle aucun effet. Ce n'était plus comme au moment de l'arrivée de la garde impériale où l'on sentait que l'intérêt et le devoir se réunissaient pour qu'on ne laissât pas occuper la ville par un faible détachement qui pouvait en être chassé le lendemain. La reddition de la place paraissait inévitable; trente mille hommes étaient à ses portes et une colonne approchait dans ce moment de Chaumont; et d'ailleurs quelles forces pouvait-on opposer?
Une garde nationale en partie désarmée, et quelques canons venus d'Auxonne la plupart sans boulets de calibre. On a su depuis que des officiers de la garde impériale avaient dit qu'ils mettraient Langres au pillage s'ils y revenaient; cruelle, mais vaine menace! Ils savaient bien qu'ils n'y rentreraient plus.
Je reviens aux évènements: quelques cavaliers qui s'étaient approchés de la ville vinrent jusqu'auprès du cours Rivot, mais les soldats, soit qu'ils en eussent reçu l'ordre, soit qu'ils dédaignassent un ennemi trop faible pour leur causer de la crainte ne tirèrent point sur eux; peu après vers les 3 heures, un parlementaire se présenta; il portait une lettre de M de Metternich adressée au ministre des affaires étrangères. On ouvrit le guichet pour les recevoir, et pendant ce temps j'observai que les hommes de l'escorte auxquels des gens du faubourg avaient apporté quelques bouteilles avaient l'air de boire à la santé de nos soldats français qui les regardaient, et de vouloir fraterniser avec eux. Il y avait dans ce moment comme une espèce de trêve qui semblait rassurer les esprits, aussi la promenade était elle remplie de curieux, et même de dames auxquels il est vrai, on ne permettait pas de s'approcher du parapet; le colonel Simon était allé déjeuner, je pensai que j'en pouvais faire autant. Je n'avais pas encore fini mon court repas que j'entendis de suite deux coups de canon; je jugeai sur le champ à la faiblesse du son qu'ils ne provenait pas de la ville, ou d'ailleurs il n'y avait en batterie qu'une seule pièce au cours Rivot. Je me hâtai donc d'accourir à la porte et déjà un parlementaire qui venait sommer la place de se rendre y était entré. Sa mission avait été appuyée par quelques coups de canon tirés sur la ville depuis la route au-delà des Auges.
Le commandant Simon avait d'abord répondu qu'il ne rendrait la place qu'à des forces supérieures; cependant il était dans ce moment dans l'auberge du sieur Allardot où il cherchait à faire ses conditions. J'y entrais et j'attendais dans la cuisine qui donne sur la rue le résultat de la conférence, quand les personnes qui entouraient la maison nous dirent que si le commandant ne se hâtait de conclure on allait enfoncer les portes de la ville.
En effet, le général Giulay à la tête d'un escadron de chevaux légers et d'un bataillon du régiment de Klenan s'était porté avec ses deux pièces de canon entre la porte et la barrière de Blanche-Fontaine et menaçait de faire tirer. Je ne sais pas si cela détermina le colonel ou si les arrangements étaient déjà pris, mais il sortit peu après, je le suivis jusqu'au dehors de la ville, me tenant cependant par discrétion assez éloigné pour ne pas entendre ce que lui disait M de Giulay. Cela fut très court, au bout de deux minutes on ouvrit les grandes portes et je fus témoin de ce qui ne s'était pas vu depuis des siècles, l'entrée d'une troupe étrangère et ennemie dans la ville. Je marchai assez longtemps à côté de la colonne jusqu'à ce que réfléchissant que ma tenue en uniforme pouvait m'attirer quelques désagrément je profitai d'un moment d'arrêt pour doubler le pas et laisser les troupes se diriger vers l'hôtel de ville. Rentré chez moi, je pus faire de sérieuses réflexions, tout en m'applaudissant que mon rôle de commandant de la garde nationale fut fini.
M Simon m'a écrit l'année suivante qu'on lui avait dit qu'il n'avait pas pu capituler et que cependant il avait la capitulation vers lui. Cela s'accorde peu avec ce que j'ai ouï dire au maire de Langres. Suivant M Guyot qui s'était avancé jusqu'auprès de M de Giulay, il n'y aurait eu qu'une capitulation verbale dans les termes suivants:
« - je demande la libre sortie de ma troupe
- elle restera prisonnière de guerre
- je désire qu'on n'inquiète pas les citoyens
- c'est mon intention
- je recommande les blessés
- ils seront traités comme les nôtres »
Peut être le colonel avait il réellement écrit des articles de capitulation qui auraient été signés dans l'auberge, mais il paraît que l'ultimatum fut dicté par M de Giulay tel que je le dis.
Pendant le court espace de temps que M Simon resta à Langres, il ne cessa de multiplier les réquisitions faites à la garde nationale, j'étais en course à cette occasion quand j'entendis la canonnade du Dreuil, cette fois comme toujours l'ordre qui m'était donné et que j'ai oublié était dans des termes impératifs.
Le 17 lorsque nous parcourûmes ensemble les remparts et qu'il me parlait du sort qui paraissait l'attendre, je lui dis que si au dernier moment et quand les étrangers entreraient dans la ville, il voulait leur échapper, il n'avait qu'à sortir du côté du couchant traverser la route et que dès lors il serait hors de leurs atteintes, puisqu'en se dirigeant sur le faubourg de Brevoines il pouvait gagner la route d'Arc. Ah! Me dit-il, ils y sont peut être déjà. M Ignard prit ce parti; il m'a conté qu'il était descendu par un créneau, près du champ de Navarre à l'aide d'une corde et qu'il avait gagné la montagne; M Simon fut envoyé à Stockach en Souabe ou il s'est retrouvé avec les otages langrois. Je dirai à propos de ceux ci que ce fut M Barthélémy que je rencontrai qui m'apprit que les autrichiens voulaient avoir trois otages, et comme il ne put m'en nommer que deux, je lui demandai si je n'étais pas le troisième; non, me dit-il, car je sais qu'ils sont déjà tous chez le commandant de la ville M le comte de Trogoff. C'étaient MM Viney-Japiot, Poinson avocat, et Bonnet commissaire aux revues.
Les artilleurs qui devaient confectionner des cartouches étaient dirigés par le sieur Boucheron, que je trouvai chez le commandant, auquel il annonçait la défection de tout son monde. Heureusement je fus exempté d'une pareille corvée par le récit du tambour-major quand il vint annoncer qu'on lui empêchait de battre la générale, car M Simon était monté à un tel point qu'il disait: quant à ce grand JF qui a reçu la croix et qui s'en va (M Faure) quelque part que je le retrouve, je la lui arracherai de la poitrine. Je doute pourtant qu'il l'eut fait s'il eut vu M Faure quand il revint dans la journée. Je crois que c'est lui qui emporta la lettre adressée au ministre des affaires étrangères apportée par un parlementaire. Je lui ai ouï dire depuis qu'en s'en retournant il vit des vedettes ennemies sur la rive droite de la Marne, il y eut en effet une petite canonnade près de Chaumont et une charge de cavalerie sur les hauteurs à l'est de la ville mais la garde y resta encore le lendemain.
C'est un nommé Bizel maître de danse que le colonel Simon dépêcha au maréchal Mortier, mais ce fut un aide de camp qui lui rapporta l'ordre de rester et de se défendre. M Simon m'a dit avoir commandé pendant la guerre les grenadiers au régiment Rohan Soubise; j'ai oublié de lui demander dans quelle occasion. Le maréchal me dit aussi qu'il avait connu un officier de ce corps, le peue Zevallos; cette épithète triviale me le prouva, en effet celui ci était très laid, il habitait le Cateau-Cambrésis et le duc de Trévise était fils du maître de poste de la même ville. Le maréchal avait près de 6 pieds.
Pendant que M Simon parlementait avec le général Giulay, dont je me tenais un peu en arrière par discrétion je remarquai un mouvement parmi les troupes qui me fit percevoir le sort de la garnison de langres. Un certain nombre de cavaliers se détachèrent et partirent au galop du côté de la tour de Navarre; il me parut évidemment que l'on voulait être maître de toutes les autres portes pour empêcher toute sortie.
Dans la soirée du 17 il entra successivement à Langres 15 ou 20 bataillons qui se logèrent comme ils purent, au grand détriment de la population. Jusque vers 10 heures la maison que j'habitais en fut exempte, mais alors il nous arriva un ordre de logement pour un général, son aide de camp, onze soldats ou domestiques et un charretier du Fays. Le général ni l'officier ne parurent pas, on nous dit que probablement ils s'étaient portés de suite sur la route de Chaumont.
Le 17 un peu avant le jour le commandant Simon m'écrivit de me rendre chez lui et là il me donna l'ordre de faire battre la générale, afin dit il qu'il put connaître au juste les forces sur lesquelles il pouvait compter; du reste il convenait qu'il était impossible de résister longtemps à une forte colonne, mais il prétendait pouvoir obtenir une capitulation honorable et faisant montre de tous ses moyens. Je le quittai et fut de suite chercher le tambour-major, qui me parut un peu effrayé de l'ordre que je lui transmis. Dans ce moment les derniers soldats de la garde impériale buvaient encore le verre d'eau de vie dans les boutiques d'épiciers, et déjà on pouvait s'apercevoir de l'inquiétude que causait leur départ.
Prévoyant bien que je n'aurais guère de loisir pendant cette journée je me hâtai d'aller déjeuner par précaution, puis je retournai chez le commandant qui venait de m'écrire que j'avais été nommé membre du conseil de défense de la place. (ce conseil ne s'est point assemblé) comme je m'approchais de chez lui, je rencontrai le tambour-major l'air confus qui venait de l'avertir que le peuple effrayé d'une démonstration qui semblait devoir attirer de grands malheurs sur la ville avait entouré les tambours et menacé de crever leurs caisses s'ils continuaient à en faire usage.
Je trouvai M Simon dans un état d'exaspération difficile à décrire; il venait d'apprendre que les artilleurs de la campagne, réunis à Langres pour confectionner des cartouches, étaient retournés chez eux. Il s'écriait que tout l'abandonnait à la fois; il se plaignait surtout avec véhémence du départ du sieur Faure, sans réfléchir que celui ci s'était compromis de manière à pouvoir difficilement rester; lorsqu'il fut en état de m'écouter je lui dis : « vous avez entendu ce que j'ai dit hier au maréchal; j'étais loin cependant de prévoir un découragement aussi général, mais il est des circonstances critiques ou l'on ne peut répondre que de soi; je ne vous serai que d'un faible secours, mais du moins je ne vous quitterai pas ». Il se décida aussitôt à faire porter un courrier pour faire connaître sa position au maréchal Mortier; il espérait sans doute en obtenir la permission d'évacuer la ville, mais vers les 10 heures il reçut l'ordre de tenir jusqu'à la dernière extrémité. Je lui entendis dire: « je vois bien que je suis sacrifié ». Il l'était dès la veille.
Peu après nous aillâmes ensemble visiter tous les postes. Il avait placé la plus grande partie des hommes à la porte des Moulins et au cours Rivot. C'était un triste spectacle que celui de la vue du faubourg de Bel-air et de la route de Dijon auparavant si fréquentée, on n'apercevait pas une âme; et à coté de cela, l'attitude calme mais sérieuse du petit nombre de grenadiers qui ne suffisait pas pour garnir le parapet de la promenade.
Vers une heure, M Faure qui était parti avec les troupes, revint porteur d'une lettre du maréchal au maire; il lui enjoignait d'appeler aux armes tous les citoyens par une proclamation, en annonçant qu'il serait de retour à Langres dans deux jours. Le sieur Faure voulait se rendre garant de cette promesse, mais il ne persuadait personne. On voyait trop bien l'intérêt qu'avait l'armée à ce que l'ennemi s'arrêtât devant langres, afin de gagner une ou deux marches, et, nul ne voulait obtenir ce résultat en faisant prendre la ville d'assaut; aussi la proclamation du maire ne produisit elle aucun effet. Ce n'était plus comme au moment de l'arrivée de la garde impériale où l'on sentait que l'intérêt et le devoir se réunissaient pour qu'on ne laissât pas occuper la ville par un faible détachement qui pouvait en être chassé le lendemain. La reddition de la place paraissait inévitable; trente mille hommes étaient à ses portes et une colonne approchait dans ce moment de Chaumont; et d'ailleurs quelles forces pouvait-on opposer?
Une garde nationale en partie désarmée, et quelques canons venus d'Auxonne la plupart sans boulets de calibre. On a su depuis que des officiers de la garde impériale avaient dit qu'ils mettraient Langres au pillage s'ils y revenaient; cruelle, mais vaine menace! Ils savaient bien qu'ils n'y rentreraient plus.
Je reviens aux évènements: quelques cavaliers qui s'étaient approchés de la ville vinrent jusqu'auprès du cours Rivot, mais les soldats, soit qu'ils en eussent reçu l'ordre, soit qu'ils dédaignassent un ennemi trop faible pour leur causer de la crainte ne tirèrent point sur eux; peu après vers les 3 heures, un parlementaire se présenta; il portait une lettre de M de Metternich adressée au ministre des affaires étrangères. On ouvrit le guichet pour les recevoir, et pendant ce temps j'observai que les hommes de l'escorte auxquels des gens du faubourg avaient apporté quelques bouteilles avaient l'air de boire à la santé de nos soldats français qui les regardaient, et de vouloir fraterniser avec eux. Il y avait dans ce moment comme une espèce de trêve qui semblait rassurer les esprits, aussi la promenade était elle remplie de curieux, et même de dames auxquels il est vrai, on ne permettait pas de s'approcher du parapet; le colonel Simon était allé déjeuner, je pensai que j'en pouvais faire autant. Je n'avais pas encore fini mon court repas que j'entendis de suite deux coups de canon; je jugeai sur le champ à la faiblesse du son qu'ils ne provenait pas de la ville, ou d'ailleurs il n'y avait en batterie qu'une seule pièce au cours Rivot. Je me hâtai donc d'accourir à la porte et déjà un parlementaire qui venait sommer la place de se rendre y était entré. Sa mission avait été appuyée par quelques coups de canon tirés sur la ville depuis la route au-delà des Auges.
Le commandant Simon avait d'abord répondu qu'il ne rendrait la place qu'à des forces supérieures; cependant il était dans ce moment dans l'auberge du sieur Allardot où il cherchait à faire ses conditions. J'y entrais et j'attendais dans la cuisine qui donne sur la rue le résultat de la conférence, quand les personnes qui entouraient la maison nous dirent que si le commandant ne se hâtait de conclure on allait enfoncer les portes de la ville.
En effet, le général Giulay à la tête d'un escadron de chevaux légers et d'un bataillon du régiment de Klenan s'était porté avec ses deux pièces de canon entre la porte et la barrière de Blanche-Fontaine et menaçait de faire tirer. Je ne sais pas si cela détermina le colonel ou si les arrangements étaient déjà pris, mais il sortit peu après, je le suivis jusqu'au dehors de la ville, me tenant cependant par discrétion assez éloigné pour ne pas entendre ce que lui disait M de Giulay. Cela fut très court, au bout de deux minutes on ouvrit les grandes portes et je fus témoin de ce qui ne s'était pas vu depuis des siècles, l'entrée d'une troupe étrangère et ennemie dans la ville. Je marchai assez longtemps à côté de la colonne jusqu'à ce que réfléchissant que ma tenue en uniforme pouvait m'attirer quelques désagrément je profitai d'un moment d'arrêt pour doubler le pas et laisser les troupes se diriger vers l'hôtel de ville. Rentré chez moi, je pus faire de sérieuses réflexions, tout en m'applaudissant que mon rôle de commandant de la garde nationale fut fini.
M Simon m'a écrit l'année suivante qu'on lui avait dit qu'il n'avait pas pu capituler et que cependant il avait la capitulation vers lui. Cela s'accorde peu avec ce que j'ai ouï dire au maire de Langres. Suivant M Guyot qui s'était avancé jusqu'auprès de M de Giulay, il n'y aurait eu qu'une capitulation verbale dans les termes suivants:
« - je demande la libre sortie de ma troupe
- elle restera prisonnière de guerre
- je désire qu'on n'inquiète pas les citoyens
- c'est mon intention
- je recommande les blessés
- ils seront traités comme les nôtres »
Peut être le colonel avait il réellement écrit des articles de capitulation qui auraient été signés dans l'auberge, mais il paraît que l'ultimatum fut dicté par M de Giulay tel que je le dis.
Pendant le court espace de temps que M Simon resta à Langres, il ne cessa de multiplier les réquisitions faites à la garde nationale, j'étais en course à cette occasion quand j'entendis la canonnade du Dreuil, cette fois comme toujours l'ordre qui m'était donné et que j'ai oublié était dans des termes impératifs.
Le 17 lorsque nous parcourûmes ensemble les remparts et qu'il me parlait du sort qui paraissait l'attendre, je lui dis que si au dernier moment et quand les étrangers entreraient dans la ville, il voulait leur échapper, il n'avait qu'à sortir du côté du couchant traverser la route et que dès lors il serait hors de leurs atteintes, puisqu'en se dirigeant sur le faubourg de Brevoines il pouvait gagner la route d'Arc. Ah! Me dit-il, ils y sont peut être déjà. M Ignard prit ce parti; il m'a conté qu'il était descendu par un créneau, près du champ de Navarre à l'aide d'une corde et qu'il avait gagné la montagne; M Simon fut envoyé à Stockach en Souabe ou il s'est retrouvé avec les otages langrois. Je dirai à propos de ceux ci que ce fut M Barthélémy que je rencontrai qui m'apprit que les autrichiens voulaient avoir trois otages, et comme il ne put m'en nommer que deux, je lui demandai si je n'étais pas le troisième; non, me dit-il, car je sais qu'ils sont déjà tous chez le commandant de la ville M le comte de Trogoff. C'étaient MM Viney-Japiot, Poinson avocat, et Bonnet commissaire aux revues.
Les artilleurs qui devaient confectionner des cartouches étaient dirigés par le sieur Boucheron, que je trouvai chez le commandant, auquel il annonçait la défection de tout son monde. Heureusement je fus exempté d'une pareille corvée par le récit du tambour-major quand il vint annoncer qu'on lui empêchait de battre la générale, car M Simon était monté à un tel point qu'il disait: quant à ce grand JF qui a reçu la croix et qui s'en va (M Faure) quelque part que je le retrouve, je la lui arracherai de la poitrine. Je doute pourtant qu'il l'eut fait s'il eut vu M Faure quand il revint dans la journée. Je crois que c'est lui qui emporta la lettre adressée au ministre des affaires étrangères apportée par un parlementaire. Je lui ai ouï dire depuis qu'en s'en retournant il vit des vedettes ennemies sur la rive droite de la Marne, il y eut en effet une petite canonnade près de Chaumont et une charge de cavalerie sur les hauteurs à l'est de la ville mais la garde y resta encore le lendemain.
C'est un nommé Bizel maître de danse que le colonel Simon dépêcha au maréchal Mortier, mais ce fut un aide de camp qui lui rapporta l'ordre de rester et de se défendre. M Simon m'a dit avoir commandé pendant la guerre les grenadiers au régiment Rohan Soubise; j'ai oublié de lui demander dans quelle occasion. Le maréchal me dit aussi qu'il avait connu un officier de ce corps, le peue Zevallos; cette épithète triviale me le prouva, en effet celui ci était très laid, il habitait le Cateau-Cambrésis et le duc de Trévise était fils du maître de poste de la même ville. Le maréchal avait près de 6 pieds.
Pendant que M Simon parlementait avec le général Giulay, dont je me tenais un peu en arrière par discrétion je remarquai un mouvement parmi les troupes qui me fit percevoir le sort de la garnison de langres. Un certain nombre de cavaliers se détachèrent et partirent au galop du côté de la tour de Navarre; il me parut évidemment que l'on voulait être maître de toutes les autres portes pour empêcher toute sortie.
Dans la soirée du 17 il entra successivement à Langres 15 ou 20 bataillons qui se logèrent comme ils purent, au grand détriment de la population. Jusque vers 10 heures la maison que j'habitais en fut exempte, mais alors il nous arriva un ordre de logement pour un général, son aide de camp, onze soldats ou domestiques et un charretier du Fays. Le général ni l'officier ne parurent pas, on nous dit que probablement ils s'étaient portés de suite sur la route de Chaumont.
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